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Bilan de l’action de groupe : la contrainte associative en question

Affaires - Droit économique
Civil - Procédure civile et voies d'exécution
14/11/2017
L’action de groupe peine à mobiliser parce que le législateur a fait le choix de cantonner ce type de procès aux associations, estime Cyril Briend, juriste au cabinet Cornet Vincent Ségurel.
L’action de groupe est ouverte aux litiges de consommation en France depuis la loi du 17 mars 2014 dite « Loi Hamon ». Elle comprend les litiges de consommation au sens large qui impliquent un professionnel avec une personne physique n’agissant pas dans le cadre de son activité professionnelle. La loi dite « J21 » du 18 novembre 2016, et le décret 6 mai 2017 ont étendu ce type d’action aux litiges relatifs aux produits de santé (L1143-1 et s du CSP), aux dommages environnementaux (Code envi. L142‑3‑1 et s), aux questions relatives aux données personnelles (loi 78‑17 art 43 ter) ainsi qu’aux discriminations au travail (art L1134‑6 et s du Code du travail).

Deux étapes

L’ensemble de ces types d’actions de groupe est régi par un régime général ; chaque type d’action connaissant certaines particularités. Dans tous les cas, pour engager une action de groupe, il suffit que deux victimes agissent conjointement. Néanmoins, elles ne peuvent agir qu’avec le concours d’une association agréée, ou, depuis 2017, avec le concours d’une association régulièrement enregistrée depuis au moins cinq ans dont l’objet statutaire porte sur les intérêts défendus (loi J21 n°2601-1547 art 63). Il existe certaines exceptions, notamment en droit du travail où les syndicats peuvent agir (loi 2008-496 art 10). Mais sauf ce cas, le recours à une association demeure obligatoire.

Une action de groupe se divise en deux étapes. Dans un premier temps (art 826-14 et s CPC), la juridiction saisie statue sur la responsabilité du professionnel. Si le juge constate que la responsabilité doit être engagée, il indique les conditions dans lesquelles les victimes non encore manifestées peuvent demander réparation de leur préjudice. Si le préjudice est strictement identique, par exemple, pour le remboursement d’un produit acheté, il suffit aux victimes de montrer qu’elles remplissent les conditions pour adhérer au groupe (art 826‑17 et s CPC). Sinon, dans certaines procédures, le juge ouvre une procédure de liquidation des préjudices par laquelle les victimes qui remplissent les conditions d’adhésion au groupe doivent démontrer l’étendue de leur préjudice (CJA L77‑10‑9).

9 actions de groupe

Le bilan actuel de l’action de groupe peut paraître décevant. Fin 2016, on ne comptait que neuf actions de groupe dont une seule avait donné lieu à une décision de justice (provisoire : TGI Paris, 27 janvier 2016 15/00835) qui déboutait l’association demanderesse. Une avait donné lieu à une transaction. Toutefois, à l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017, les syndicats se sont montrés très réactifs pour rechercher la responsabilité de l’employeur pour discrimination. Certaines actions ont été remarquées comme à la SNCF. Il demeure que l’utilité réelle de l’action de groupe en droit français consiste essentiellement à obliger l’entreprise à négocier au risque d’une menace qui ne pèse que sur son image.

Si l’action de groupe peine à mobiliser, la cause principale se trouve sans doute dans le choix qu’a fait le législateur de cantonner ce type de procès aux associations. Cela s’est justifié par la crainte d’un contentieux spéculatif comme aux Etats-Unis. On comprend mal pourquoi le statut associatif garantirait un procès bien mené. Il est possible que certaines associations ad hoc se créent sans réel ressort citoyen mais en vue de bénéficier d’un statut adéquat au bout de 5 ans.
On relèvera également une autre lourdeur de nature à gêner l’action de groupe : la séparation dans le temps de la détermination de la responsabilité et de l’indemnisation des victimes. Non seulement cela introduit des délais supplémentaires dans la réparation des préjudices, mais de plus, l’identification de l’ensemble des victimes apparaît également complexe.

Cyril Briend – Cornet Vincent Ségurel
 
Source : Actualités du droit