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La semaine du droit fiscal

Civil - Fiscalité des particuliers
22/02/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit fiscal, la semaine du 15 février 2021.
Droits d’accise – fraude
« Le 13 juin 2013, le juge des libertés et de la détention a autorisé l’administration des douanes, qui soupçonnait une fraude aux droits d’accise, à procéder à une opération de visite domiciliaire dans les locaux de la société 4ID, entrepositaire agréé de boissons alcoolisées, gérée par Mme A... X... et employant le frère de celle-ci, M. B... X....
Les opérations se sont déroulées le 19 juin 2013. Le même jour, Mme X... et un employé de la société ont été entendus par les agents des douanes à compter de 18 heures 30 et jusqu’à 1 heure 45, le lendemain.
L’ordonnance du juge des libertés et de la détention a été annulée par le premier président de la cour d’appel le 13 mars 2014.
Le 24 septembre 2013, l’administration des douanes a dénoncé au procureur de la République les faits reprochés à M. et Mme X....
Le procureur de la République, en application de l’article 28-1 du Code de procédure pénale, a saisi la direction régionale des douanes et des droits indirects de Lille afin qu’une enquête soit menée sur les faits dénoncés.
A l’issue de l’enquête préliminaire, par procès-verbal du 22 juin 2016 établi par un contrôleur des douanes, M. et Mme X... ont été convoqués devant le tribunal correctionnel, notamment, pour avoir expédié des produits ou biens relevant des contributions indirectes sans documents d’accompagnement conformes au travers de la société 4ID, société ayant la qualité d’entrepositaire agréé.
Par jugement en date du 27 mars 2018, les prévenus ont été condamnés chacun à une amende fiscale de 750 euros ainsi qu’au paiement solidaire de 488 208 euros à titre de pénalité fiscale.
Les prévenus, le procureur de la République ainsi que l’administration des douanes ont formé appel de cette décision.
 
Pour rejeter la demande d’annulation de la convocation en justice notifiée aux prévenus sur instruction du procureur de la République par un contrôleur des douanes spécialement habilité à exercer des missions de police judiciaire en application de l’article 28-1 du Code de procédure pénale, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé que, selon les dispositions de l’article 390-1 du Code de procédure pénale, vaut citation à personne une convocation en justice notifiée sur instruction du procureur de la République par un agent ou un officier de police judiciaire et qu’aux termes des dispositions de l’article L. 236 du Livre des procédures fiscales, en matière fiscale, une citation devant le tribunal correctionnel peut être faite par huissier ou par les agents de l’administration, énonce qu’il résulte de la combinaison de ces deux textes qu’un agent de l’administration, même non officier ou agent de police judiciaire stricto sensu, mais habilité à exercer des fonctions de police judiciaire, peut notifier une convocation en justice à un prévenu pour un délit en matière fiscale, sur instruction du procureur de la République.
C’est à tort que la cour d’appel a considéré que les dispositions de l’article L. 236 du Livre des procédures fiscales permettent aux agents des douanes habilités, requis en application de l’article 28-1 du Code de procédure pénale pour effectuer une enquête judiciaire, de délivrer une convocation en justice sur instruction du procureur de la République.
En effet, ce dernier texte en son paragraphe VIII interdit, à peine de nullité, à ces agents d’exercer d’autres attributions ou d’accomplir d’autres actes que ceux prévus par le Code de procédure pénale dans le cadre des faits dont ils sont saisis par l’autorité judiciaire.
Cependant, l’arrêt n’encourt pas la censure.
En effet, aux termes de l’article 28-1, VI, du Code de procédure pénale, lorsque, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, les agents des douanes habilités procèdent à des enquêtes judiciaires, ils disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux officiers de police judiciaire, ce qui inclut la notification au prévenu, à l’issue de l’enquête, d’une convocation en justice en application de l’article 390-1 du même Code.
Ainsi, le moyen doit être écarté.
 
 L’article L. 80 M du Livre des procédures fiscales impose un échange contradictoire entre l’administration et le contribuable au cours de la procédure aboutissant à l’établissement d’un procès-verbal de notification d’infraction à la législation sur les contributions indirectes.
Cependant, un manquement à ce principe dans le cadre de la procédure administrative relative aux contributions indirectes ne peut constituer une cause de nullité de la procédure pénale qu’à la condition qu’il ait eu pour effet de porter atteinte de manière irrémédiable aux droits de la défense dans la suite de la procédure.
En l’espèce, les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d’appel a écarté leur argumentation tirée de la nullité du procès-verbal de notification d’infraction et de redressement.
En effet d’une part, les poursuites exercées par le ministère public à la suite d’une enquête préliminaire et les condamnations prononcées ne sont pas fondées sur le procès-verbal de notification d’infraction.
D’autre part, ayant eu accès à l’ensemble des pièces fondant les poursuites et la déclaration de culpabilité, qui ont pu être contradictoirement débattues au cours de la procédure pénale, ils ne démontrent, ni même n’allèguent, aucun grief résultant de la violation invoquée du principe du contradictoire au cours de la procédure administrative.
Dès lors, le moyen doit être écarté.
 
Aux termes de l’article 30 du règlement (UE) n° 389/2012 du Conseil du 2 mai 2012 concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d’accise, les documents transmis par l’autorité compétente d’un État membre à l’autorité compétente d’un autre État membre peuvent être invoqués comme éléments de preuve par les instances compétentes de l’autre État membre au même titre que des documents équivalents transmis par une autre autorité de cet autre État membre.
Les procès-verbaux en matière de contributions indirectes, sauf pour les constatations matérielles faites par les agents des douanes, pour lesquelles ils font foi jusqu’à preuve contraire, valent à titre de simples renseignements laissés à l’appréciation des juges du fond.
Pour refuser d’écarter les éléments transmis par l’agence italienne des douanes, l’arrêt énonce que la traduction de ces pièces a été ordonnée par le tribunal et que le fait que les copies de ces pièces ne soient pas signées n’est pas suffisant pour remettre en cause leur validité, étant précisé que certaines d’entre elles présentent le tampon du service.
En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus devant elle, a justifié sa décision sans méconnaître le règlement européen susvisé.
 
La directive 2008/118/CE du conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE qui concerne le recouvrement des droits d’accise, n’est pas applicable aux poursuites exercées devant les juridictions répressives, tendant non pas au paiement des droits éludés, mais au prononcé de sanctions fiscales en application de l’article 1791 du Code général des impôts.
 
En condamnant les prévenus au paiement d’une amende fiscale et d’une somme de 488 208 euros au titre de pénalités fiscales, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes conventionnels visés au moyen.
En effet, en premier lieu, les sanctions prévues à l’article 1791 du Code général des impôts, qui peuvent être modérées en application de l’article 1800 du même Code, ne sont pas contraires à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
En second lieu, dès lors que l’administration des douanes est partie poursuivante, le moyen pris de sa partialité supposée est inopérant.
Ainsi, le moyen doit donc être écarté ».
Cass. crim., 17 févr. 2021, n° 19-83.707, P+B+I *
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 22 mars 2021
 
Source : Actualités du droit